mercredi 19 septembre 2018

Je ne me suis pas cachée sous le figuier




Pas cette fois, non. Je ne me suis pas carapatée. Quand tu as sorti ta demie-molle, je me suis dressée bien droite. La colère a parlé. Merveilleuse énergie, dont il ne faudrait jamais se priver. Aucune quiétude n’en vaut la peine. 
C’est toi aujourd’hui qui t’es rhabillé fissa. Tu t’en es allé plus vite que tu pensais en être encore capable, la queue entre les jambes et le détecteur de métaux sous le bras. 
Tu étais venu là glaner quelques babioles de vacanciers enfouies sous le sable. Tu m’as vue arriver, et même si au départ, ce n’était pas le projet, l’occasion a fait le larron! Une femme seule de bon matin sur la plage a eu vite fait de réveiller le prédateur en toi. Tu n’as pas dû réfléchir bien longtemps avant de tomber le futal. Tu n’en étais certainement pas à ton coup d’essai.
Ma faute, ça a toujours été d’aimer être seule. Je ne me suis jamais résignée, pourtant tes collègues et toi n’avez pas cessé d’essayer de m’éduquer, dès mon plus jeune âge. La solitude, mademoiselle, madame, c’est au foyer. 
« Qu’est-ce que tu fais là, toute seule, tu veux qu’on te viole? »
Vous m’avez appris la peur. Grâce à vous, je n’ai jamais été totalement sereine dans des lieux sans témoins. Et j’enrage que vous m’ayez gâché tant de bonheurs. 
Cette rage-là, c’est toi qui en a fait les frais ce matin, mon petit père. Elle a été éloquente, je me suis surprise moi-même de la puissance de ma voix et de l’absence de peur. 
« Tu n’es pas le premier. »
Je ne me suis pas cachée dans le figuier et après 30 secondes de stupeur, je t’ai pris en chasse avec mon appareil photo. J’ai vu ta voiture démarrer en trombe, je suis arrivée trop tard. 
J’avais failli ajouter « mais tu es le dernier ». Je n’étais pas allée jusque là car même au coeur de cet ouragan, j’avais gardé ma lucidité. Non, tu n’es pas le dernier. Mais cette fois, c’est toi qui a eu peur. C’est toi qui as fui.


C’est toi qui as fui.